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DÉCOUVERTE. Paysan congolais, et fier de l’être

Agriculteur congolais très engagé dans le développement agricole de son pays, Joseph Nkounkou était de passage en Corrèze à l’occasion d’une mission d’échanges.

Joseph Nkounkou est agriculteur à Mindouli, petite ville située dans la région du Pool, à 200 kms environ de la capitale Brazzaville. Plus exactement, il exerce dans les « activités agropastorales » comme on dirait là-bas. A la tête d’un groupement agricole familial depuis 1990, il conduit de front maraichage, poules pondeuses, volailles de chair, porcs, petits ruminants, et fabrication-vente d’aliment du bétail à la ferme. Son séjour en France était organisé dans le cadre d’un partenariat avec les agriculteurs d’Afdi Alsace. Mais de vieilles connaissances l’ont invité à réserver quelques jours pour découvrir le Massif central.

Dépendance alimentaire

Au Congo, il fait chaud, il pleut beaucoup et le pays dispose d’une capacité foncière immense. Seulement 6 millions d’habitants peuplent ce pays de 342 000 km². Malgré ces atouts, le Congo est loin de l’autonomie alimentaire. Les raisons sont multiples et complexes. Sans doute, l’héritage culturel d’un peuple historiquement plus orienté vers la chasse suivi de la politique coloniale française, n’ont pas contribué à l’émergence d’une culture paysanne. Puis vint l’Etat communiste, le fonctionnariat généralisé et les pétrodollars pour acheter à l’extérieur de quoi nourrir une société de plus en plus urbanisée et bureaucratique. Ajoutons à cela 4 coups d’Etats, une guerre civile, plusieurs crises politiques et économiques, le manque d’infrastructures, de matériel, la corruption généralisée, la mauvaise image du paysan…

Un modèle agricole à construire

Pour contrer cette fatalité et la pauvreté qui s’installe en milieu rural comme en milieu urbain, quelques congolais se battent pour le développement de la production et l’amélioration des conditions de vie des paysans. « Deux notions indissociables » selon Joseph Nkounkou. Son état d’esprit et le dynamisme naissant de son exploitation est repéré dans les années 2008 par l’ONG alsacienne Gescod, qui, dans le cadre d’une coopération entre la ville de Ribeauvillé (68) et le département du Pool au Congo, est chargée de développer des programmes de vulgarisation agricole. Les premières actions sont essentiellement techniques et orientées vers l’élevage avicole. Le groupement de Joseph est alors labellisé « ferme pilote ». Le formé devient rapidement formateur, au point d’aménager une salle sur sa propre exploitation pour y recevoir les groupes. La technique se diffuse mais rapidement, les éleveurs font face à des difficultés d’approvisionnement en poussins et en aliment. « Avec l’appui de l’Union européenne, notre ferme et quelques autres se sont équipées de couvoirs et de petits moulins à moteur électrique ou thermique selon les lieux ». Depuis, Joseph assure régulièrement le « pré-élevage » de poules pondeuses qui sont diffusées ensuite en petits lots auprès des éleveurs.

Bâtir des filières de A à Z

« Pour fournir des œufs à la population, il faut que toute la chaine suive. Or, les éleveurs manquent souvent de maïs et certains se sont découragés. Nous avons donc cherché à motiver les cultivateurs d’autres districts. Nous avons passé des contrats et les cultivateurs cherchent à s’organiser en coopératives pour stocker et commercialiser le grain, même si le transport reste un grand problème ».

La mayonnaise prend néanmoins, jusqu’à retomber en 2017 lorsque la région est secouée par d’importants troubles socio-politiques à l’occasion des élections présidentielles. Mais les intentions restent. Partout, dans le Pool, naissent des prises de conscience. L’agriculture pour s’alimenter certes. Mais aussi pour lutter contre le chômage, pour consolider la paix… Il faut alors « structurer » cette professionnalisation émergente. Joseph fait partie des fondateurs de l’Union locale des paysans de Mindouli. Ces unions locales se répandent un peu partout jusqu’à se fédérer au sein de l’UDOPP (Union Départementale des Organisations Paysannes du Pool). « Au Congo, de nombreuses personnes s’autorisent à parler au nom des agriculteur sans en avoir reçu le mandat. Les missions de l’Udopp sont de représenter les paysans, de les défendre, de les former et de les informer. Nous pensons qu’aucune politique agricole, qu’elle vienne de l’ONU, de l’Etat ou des ONG, ne peut réussir si les paysans ne sont pas largement impliqués dans sa définition comme dans sa mise en œuvre » explique Joseph Nkounkou qui assure la présidence de la section « granivores » du syndicat.

« Il faut avancer sur tous les fronts : formation, accès à la mécanisation, aux intrants, au crédit, entretien des pistes rurales pour l’écoulement des produits, organisation des filières… Mais nous ne réussirons pas sans redorer aussi le statut du paysan ». Le profil whatsapp de Joseph résume à lui seul la doctrine : Paysan et fier de l’être ! « Nous défendons l’idée que c’est l’exploitation familiale qui sera la base du développement. Un paysan devrait n’avoir rien à envier à un fonctionnaire. Cela doit devenir un vrai métier pour lequel on se forme, on investit, auquel on se consacre à plein temps ».

« Nos frères les paysans français »

Pendant deux semaines éprouvantes, Joseph a été reçu dans de multiples exploitations, alsaciennes d’abord, corréziennes et auvergnates ensuite. Volailles, maraichage, arboriculture, céréales, élevage bovin et ovin, coopératives, syndicats, écoles… Rien ne lui a été épargné. « Plusieurs choses m’ont marqué. D’abord la spécialisation des taches alors que nous, nous faisons un peu tout à la fois. Puis le fait qu’ici les paysans raisonnent d’avant d’appliquer un traitement ou un médicament. Nous, on applique des protocoles systématiques qui sont parfois inutiles et couteux. J’ai remarqué aussi l’engagement de l’Etat et surtout, le fait que les paysans savent se défendre au travers de syndicats forts. Je ne suis pas venu en France pour voir la Tour Eiffel mais pour y découvrir des techniques. Alors je souhaite lancer un appel. Les paysans français sont nos frères. Il faut qu’ils s’organisent pour recevoir chaque année 2 ou 3 d’entre nous et les former pour que nous aussi, nous puissions évoluer » conclut celui qui est venu « apprendre ». Nul doute que les agriculteurs français ont aussi appris de cet homme à l’engagement intarissable.

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