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FNSEA et JA : « Nous sommes en train de construire »

Regards croisés sur l’année écoulée et sur le travail mené auprès des Grandes et moyennes surfaces (GMS) avec Gilles Cabart, président de la FNSEA 03, Geoffrey Rivaux et Guillaume Lottin, respectivement président et secrétaire général des Jeunes agriculteurs de l’Allier.

© AA

Il y a un an, une hausse de cinq centimes par semaine sur le prix de la viande bovine est négociée. Depuis cet accord, vite abandonné, rien n’a vraiment changé. Pire, la situation s’est aggravée.

L’Allier Agricole : Depuis un an, les actions se sont enchainées : nuit de la détresse, opérations coup de poing, blocage d’une centrale d’achat, manifestation à Moulins, … Avec du recul, quel bilan tirez-vous de ces démonstrations de force ?

Gilles Cabart : Cela a permis d’amener dans le débat public la question de la crise agricole. Dans la seconde moitié de l’année 2015, et le début de 2016, la situation des agriculteurs a été longuement décrite et commentée.

Guillaume Lottin : il y a, en effet, fort à parier que l’immense majorité des français a entendu parler de la crise agricole. Il avait été demandé aux grandes enseignes de jouer le jeu de l’augmentation mais à partir du moment où l’une d’entre-elles a cessé de respecter l’accord, les autres ont suivie. Hors de question de risquer pour elles de tels écarts de concurrence. Ce maigre espoir étant laissé de côté, la colère a été impossible à contenir.

Geoffrey Rivaux : Il est également évident que la situation aurait été pire si nous n’avions pas mené toutes ces actions ...

On peut donc parler d’une certaine prise de conscience des consommateurs ?

G.C : Oui, en effet. Il est établi que les consommateurs ont une idée positive de notre métier (1). Image que nous devons contribuer à conserver en veillant notamment au bon déroulé de nos actions.

« Nous n’avons pas l’intention, ni les moyens d’ailleurs, de casser les filières. Ce que nous voulons, c’est revoir les cahiers des charges pour que les éleveurs soient intégrés à la négociation »

Geoffrey Rivaux

Les manifestations de cet été ont amené à la mise en place du Plan de soutien à l’élevage. Des mois après ce plan, quels effets concrets ?

G.C : Il faut reconnaître que le Fond d’allégement des charges (FAC) a été mis en place rapidement et bien mené par l’administration. Cette mesure, par manque de moyens, ne concerne que concerne les agriculteurs les plus en difficulté et, à ce jour, alors que l’instruction des dossiers est terminée, 644 dossiers ont été traités, plus quinze en porc et six en procédure collective.

G.R : Même si ce n’est jamais complètement satisfaisant, ce Fac a été obtenu suite à la pression estivale.

Et que dire des ATR (2) dont le troisième volet est attendu dans les jours à venir ?

G.R : Les enveloppes allouées ne sont pas suffisantes et les aides déjà versées seront déduites des aides à venir. Nous attendons un solde qui ne vient pas et cela va finir par avoir de gros impacts sur les trésoreries de nos exploitations. Sans oublier les treize exploitations faisant l’objet d’un Plan de redressement procédure collective et d’un plan de continuation qui n’ont toujours rien touché et qui devrait bénéficier des deux premiers ATR fin août.

G.C : Je n’ai personnellement jamais vu de telles approximations durant toute ma carrière.

Sur la sécheresse de l’été dernier en revanche, vos doléances ont été entendues ?

G.L : Les enquêtes de terrain ont débuté très tôt et nous avons été le premier département auvergnat à être reconnu et à être payé. A hauteur des pertes subies.

Pour autant, en dehors de ces démonstrations placées sous le feu des projecteurs, le travail syndical continue. Où en êtes-vous ?

G.R : Nous somme justement en train de rencontrer les responsables des enseignes de Grandes et moyennes surfaces (GMS) du département (3). Le but est de travailler, avec eux, à une solution de sortie de crise.

G.L : Oui, car il y a d’un côté la pression menée et maintenue sur le terrain et il y a tout un travail de recherche de solutions concrètes derrière. C’est pour cela que nous ramons en ce moment.

G.C : Ces rencontres avec les supermarchés s’inscrivent dans une démarche nationale. Nous sommes en train de construire maintenant. Nous avons l’ambition de mener un travail de fond pour s’en sortir. Un travail moins visible, sans remorques qui se déversent mais pas moins efficace.

« Faire du premium ne sauvera pas l’élevage mais c’est une piste, parmi d’autres à explorer ».

Gilles Cabart

Quelle place pour les adhérents de vos syndicats respectifs dans ces réflexions ?

G.L : La base de nos syndicats, ce sont les adhérents. Si des idées ou des initiatives émergent, il faut le faire savoir. Les bonnes volontés sont bienvenus, à condition de se mettre au travail.

G.R : Le syndicalisme est là, dans l’Allier, pour faire bouger les lignes.

Que peut-on espérer de ces rencontres ?

G.C : Pour le moment, nous sommes dans l’idée d’un état des lieux. Savoir comment les GMS travaillent, avec qui elles traitent, comment elles vendent. Ce n’est pas si simple car chacune à une manière différente de travailler. Certaines sont indépendantes, d’autres moins, certaines ont un rayon boucherie avec des salariés qualifiés et un atelier de découpe sur place, d’autres pas ... Si on ne connaît pas exactement les spécificités de chacune, on ne peut pas affiner nos exigences.

G.L : L’idée est également de savoir quelles enseignes jouent le jeu du local et dans quelle proportion.

G.R : Nous n’avons pas l’intention, ni les moyens d’ailleurs, de casser les filières. Ce que nous voulons, c’est revoir les cahiers des charges pour que les éleveurs soient intégrés à la négociation.

G.L : Nous avons l’habitude des contraintes de toute nature. Alors si ce cahier des charges induit de nouvelles contraintes et bien nous nous adapterons comme nous le faisons tous les jours. Les exploitants sont prêts à se remettre en question et à progresser.

Ces bouleversements conduisent les éleveurs eux-mêmes à se remettre en cause… Par quoi passera le salut de l’élevage français ?

G.C : Nous n’avons pas de réponse établie à cette question, ce serait trop simple. Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut négliger absolument aucun débouché, travailler autant que possible sur la maitrise des charges et surtout chercher à valoriser autant que possible les animaux, aussi bien au niveau local qu'à l'exportation.

Ce qui veut dire se démarquer par la qualité ?

G.C : C’est une piste parmi d’autre mais oui, les éleveurs ont tout intérêt à se positionner sur le créneau haut de gamme. Faire du premium ne sauvera pas l’élevage mais c’est une piste à explorer. Ce qui est certain c’est qu’il faut jouer sur la segmentation, c’est-à-dire prendre tous les débouchés qui se présentent du cœur de gamme jusqu’au premium.

G.L : Sur ce cœur de gamme, il est important de valoriser nos animaux par rapport aux vieilles bêtes et aux vaches laitières.

« Nous avons l’habitude des contraintes de toutes les natures. Les exploitants sont prêts à se remettre en question et à progresser ».

Guillaume Lottin

Parlons un peu des céréales ?

G.C : La filière céréalière suscite également des inquiétudes en Sologne-Bocage notamment. Ce n’est pas que les récoltes soient mauvaises mais ce sont les marchés qui ne sont pas bons. Une mauvaise récolte à l’autre bout du monde peut avoir des conséquences positives sur nos cours mais pour le moment nous vivons la situation inverse  nous sentons que les perspectives sont bouchées là aussi.

Un mot sur la grande Région d’un point de vue syndicale …

G.R : Chez JA, nous avons décidé de repartir à zéro pour cette nouvelle Fédération régionale Auvergne-Rhône-Apes et nous avons élu un tout nouveau bureau, présidé par Nicolas Merle.

G.C : La FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes est elle aussi née de la fusion des deux FRSEA. Elle est présidée par Michel Joux, jusqu’alors vice-président de la FRSEA Rhône-Alpes. La mise en place est en cours.

(1) Selon un sondage BVA pour Orange et I Télé datant du 6 février 2016, 83% des Français ont une bonne image des agriculteurs. Un Français sur quatre (27%) en a même une « très bonne opinion ». L’image des agriculteurs est très positive dans toutes les catégories de population, à l’exception des sympathisants Verts qui sont 46% à en avoir une mauvaise image.

(2) Deux versements d’ATR ont eu lieu en octobre et décembre 2015 pour avancer les aides au titre des DPB (droits à paiement de base), des aides bovines et de l’ICHN principalement. Un troisième versement d’ATR prendra en compte les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC dont l’agriculture biologique, la protection des races menacées et l’apiculture), les aides couplées sur les cultures végétales et l’assurance récolte.

(3) Carrefour, Carrefour Market, Leclerc, Cora et Intermarché.

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