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« Les agriculteurs ont besoin de l'existant, et de davantage pour faire face à la crise »

Eurodéputé française (Parti Populaire Européen), Anne Sander milite pour une politique agricole commune ambitieuse pour soutenir les filières agricoles ébranlées par le Covid-19 Deux mois après le début de la crise, et alors que les discussions budgétaires sur la PAC se poursuivent, elle dresse un état des lieux entre craintes et espoirs.

Dans la continuité de Michel Dantin, Anne Sander est rapporteure de la mise en oeuvre des actes délégués de l'OCM unique.
Dans la continuité de Michel Dantin, Anne Sander est rapporteure de la mise en oeuvre des actes délégués de l'OCM unique.
© AS

L'Union européenne a-t-elle été, selon vous, à la hauteur de la crise ?

Anne Sander : Personne n'avait prévu l'ampleur de la crise. D'une manière générale, l'Union européenne a connu un temps de flottement. Les Etats ont mis du temps à démarrer le travail collectif. Pour autant, le Parlement européen a poursuivi ses travaux pendant toute cette période de crise, on a fait évoluer nos méthodes de travail. La commission agricole a été particulièrement dynamique. A l'échelle agricole, l'urgence a été d'apporter plus de flexibilité dans les textes existants, de reporter des dates limites, de réactiver des mesures d'intervention sur les marchés, de prendre des mesures de stockage. Mais force est de constater que d'une part ces mesures ne vont pas assez loin, et d'autre part, que certains secteurs en sont exclus comme la volaille ou le veau. L'Union renvoie à des programmes nationaux qui arrivent en fin de programmation. Cela n'est pas suffisant.

Ces dernières semaines, la Commission a proposé que les fonds de la dernière année de programmation du second pilier de la PAC servent à abonder des mesures de crise avec le risque considérable de créer une nouvelle crise dans la crise...

A.S. : Au niveau du PPE, nous sommes très réticents à chaque fois que les commissaires renvoient au second pilier de la PAC, car en France, nous avons déjà beaucoup consommé les fonds du second pilier et en plus cela risque de créer des distorsions de concurrence. Ce serait en somme attribuer une prime aux mauvais élèves. Nous savons, par exemple, que la Pologne et d'autres pays disposent encore de financements, ce sont donc plutôt des mesures favorables à ce type de pays. Plus globalement, c'est dans l'air du temps, ce renvoi à des mesures nationales, c'est d'ailleurs la démarche à l'oeuvre dans le cadre de la négociation de la PAC. Nous y sommes opposés, considérant qu'il est fondamental de garder le caractère commun de la PAC.

L'Europe dispose au niveau agricole d'une réserve de crise. Comment expliquez-vous qu'elle n'ait pas été activée ?

A.S. : Aujourd'hui, la réserve de crise compte 400 millions d'euros. Mais, il faut bien comprendre que cette réserve est le fruit de la taxation des agriculteurs sur le premier pilier, qui leur ait rendu en fin d'année. Autrement dit, si on utilise cet argent aujourd'hui, les agriculteurs ne le retrouveront pas en fin d'année. C'est pourquoi, nous estimons que cet outil doit être profondément réformé. La réserve doit être abondée par de l'argent « frais », qui ne sera pas prélevé auprès des agriculteurs, et qui sera renouvelée d'année en année. Nous sommes parvenus à faire passer cette proposition dans le règlement de transition¹ de la PAC. Il faut désormais que cela soit validé dans le cadre des trilogues² attendus pour cette fin d'année.

Sur le budget européen, où en sommes-nous dans les discussions ?

A.S. : Il faut être prudent avec les difficultés économiques que vont traverser les pays suite à la crise du Covid. Les discussions se poursuivent, il y a la nécessité de prévoir un plan de relance. Différentes hypothèses ont été avancées. Nous craignons d'être face à un cadre financier pluriannuel (CFP) contraint et réduit, de manière à pouvoir mettre le paquet sur un plan de relance à part entière. Nous militons pour que ce CFP soit ambitieux, étant entendu qu'il faut un accord des 27. La France et l'Allemagne viennent de mettre une proposition sur la table (voir par ailleurs), mais dans l'UE, il y a une réticence des pays à s'engager davantage. En tout état de cause, il faut que l'agriculture soit financée. Nous revendiquons que l'agriculture ne soit pas oubliée dans ce plan de relance, ou alors qu'on arrive à se mettre d'accord sur quelque chose de très ambitieux pour la PAC dans le cadre du CFP. Les agriculteurs ont besoin de ce qu'ils avaient dans le passé, et de davantage pour faire face à la crise. L'agriculture constitue un secteur stratégique, on a pu le mesurer ces derniers mois.

Justement, la crise semble avoir remis en lumière l'enjeu de souveraineté alimentaire et le rôle crucial joué par les agriculteurs. Pensez-vous que cet enjeu va supplanter tous les autres dans les mois qui viennent et permettre ainsi un retour aux fondamentaux de la PAC ?

A.S. : Quand j'ai entendu Monsieur Timmermans, commissaire européen désigné au green deal européen et à la lutte contre le changement climatique, en commission agricole, dire qu'il fallait continuer comme avant et aller vers le green deal, mettre en oeuvre la stratégie de la biodiversité, sans tenir compte de ce qui s'est passé, je doute de la prise de conscience du rôle joué par les agriculteurs et des besoins supplémentaires de financements du secteur agricole. En revanche, lorsque je discute avec les collègues du Parlement, il y a une prise de conscience réelle, mais est-ce que cela sera suffisant pour infléchir la position de la Commission européenne...

Sur la question environnementale, la Commission d'Ursula Von der leyen a proposé le pacte vert (Farm to fork). Quelle est votre position sur ce qui s'apparente à une lame de fond, qui au final pourrait guider les choix budgétaires de la PAC ?

A.S. : L'ambition environnementale de l'Union européenne, je la partage, et il faut continuer de poursuivre sur la voie des efforts. Mais avant d'envisager quoi que ce soit, j'aimerais déjà qu'on reconnaisse tous les efforts faits par les agriculteurs. Si demain on interdit la communication sur la production de viande, comme le suggère rumeurs relatives au pacte vert, on induit que c'est mauvais pour l'environnement, or c'est faux. Les agriculteurs sont une partie de la solution environnementale, et arrêtons de les accuser d'être coupables du prétendu recul de la biodiversité. Nos agriculteurs sont touchés de plein fouet par la crise du Covid, les marchés sont fortement déstabilisés, est-ce le bon moment pour leur imposer de nouvelles contraintes ? Et puis quels moyens on se donne pour les accompagner dans cette transition ? Que fait-on des produits qui rentrent de pays tiers, ces produits répondent-ils aux mêmes normes en vigueur au sein de l'UE ? On sait bien que sur ce volet, manifestement, il y a un problème. L'Europe n'est plus crédible lorsque d'un côté, elle impose à ces agriculteurs des normes de plus en plus contraignantes et que de l'autre, elle signe des accords de libre-échange avec des pays comme le Mexique, dernier en date, dont les standards de production sont très éloignés du modèle européen.

¹ Si la nouvelle PAC était censée entrer en vigueur en 2021, le retard pris dans les négociations ainsi que sur le CPF de l'Union européenne a poussé la Commission européenne à proposer un règlement de transition, pour proroger l'application des dispositions légales et financières en la matière.

² Négociations interinstitutionnelles pour l'adoption de la législation européenne entre le Parlement, le Conseil et la Commission.

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