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PROJET. Constituer un GAEC : le droit à l'essai

S'engager en GAEC met en commun des moyens de production et de travail. Mais les relations humaines qui peuvent être troublées sont souvent la cause d'échecs.

© @Freepik

Lors de la constitution d'un GAEC, si sur le papier les choses sont claires quant à la définition de l'association, il n'en est pas de même des relations humaines, qui échappent à toute règlementation, toute contractualisation. Ainsi, il n'est pas rare de voir des GAEC disparaitre, ou connaître des changements d'associés pour cause de mauvaise entente. GAEC & Société a organisé son congrès les 23 et 24 juin dernier, et le sujet principal fut le droit à l'essai pour la constitution d'un GAEC.

Un essai avant de s'engager ?
Depuis 1991, en Haute-Savoie, une expérimentation a lieu, et se fixe comme objectif sous la houlette de « GAEC et Sociétés» en partenariat avec le ministère de l'agriculture et la DDT, de créer un statut de droit à l'essai avant de s'engager en GAEC. L'intérêt de ce système consiste à valider ou non un projet d'association avant de s'engager définitivement et ainsi, éviter les écueils d'un divorce douloureux financièrement et humainement. Ce test, grandeur nature, sur plus de 30 ans démontre que 40% des années d'essai, n'aboutissent pas à une association, ce qui démontre l'utilité du dispositif. Ce droit à l'essai consiste donc pour deux personnes ou plus, de tester un projet d'agriculture en commun sur une année, renouvelable une fois, avec un statut d'associé à l'essai.

Pour qui, pour quoi ?
L'objectif final est de définir clairement un projet qui soit compatible avec les objectifs de chacun et ceux de l'entreprise. Nous pouvons distinguer trois cas dans lesquels, ce dispositif pourrait être avantageux.
oL'accueil de nouveaux associés dans une structure déjà existante
oLe regroupement de deux exploitations (ou plus de deux)
oLa création à plusieurs d'une activité agricole en société.
Dans le premier cas il s'agit d'une personne qui n'a pas de statut d'exploitant et qui désire rejoindre une exploitation déjà existante pour s'y associer : un jeune diplômé, une personne en reconversion, un ouvrier agricole, tous les profils sont possibles. Dans le deuxième cas, il s'agit d'envisager le regroupement entre deux exploitants déjà installés. Ils ont déjà leur expérience, leurs méthodes, leur mode de fonctionnement propre, et dans ce cas, il est nécessaire de vérifier les compatibilités entre les deux personnalités, entre les procédés. Dans le troisième cas, tout est à créer, et l'essai permettra de valider ou non les choix de départ pour le fonctionnement de l'entreprise. Quel que soit le cas, il est nécessaire d'être accompagné afin de dispenser des conseils pendant toute la durée de l'essai, aux futurs associés.

Quelles modalités ?
Disons-le tout de suite, rien n'est fixé encore, même si les travaux sont très aboutis et que la profession demande une règlementation officielle pour 2022. A ce jour, l'expérimentation est étendue aux départements du Tarn, de la Saône-et-Loire, la Haute-Loire, l'Ain, le Jura et à la région Bretagne. Dans un premier temps, il s'agit de s'inscrire auprès d'un organisme comme le « point info installation » de la chambre d'agriculture, qui remontera les informations des demandeurs au niveau de la DDT, ainsi qu'à l'organisme d'accompagnement choisi. Cet accompagnement obligatoire mettra en place un suivi relationnel et technique par une personne formée aux relations humaines, véritable pierre angulaire du projet, jusqu'à la fin de l'essai. La Commission Départementale d'Orientation d'Agriculture GAEC (CDOA GAEC) devra valider ce démarrage et un contrat sera signé entre les parties. Ce contrat sécurise l'essai, définit la durée de celui-ci, soit 1 an renouvelable sur avis de la commission, offre une protection sociale ou permet de conserver l'existante, prévoit une assurance pour couvrir les risques liés à l'activité pendant l'essai, statue sur les modalités de fonctionnement du groupe, structure l'accompagnement relationnel, l'évolution de l'avancée vers l'objectif final : un point est fait à chaque CDOA GAEC. Est également mentionné l'engagement de ne pas investir ensemble avant la finalisation du projet. La rémunération et le partage des résultats sont aussi prévus, ainsi que la répartition et l'exclusion de la responsabilité financière, avec les détails de la finalisation du projet ou de l'éventuel retour en arrière, afin que la ou les personnes puissent retrouver le statut précédent sans perte (demandeur d'emploi, étudiant, salarié...), chacun doit conserver ses droits. Dans le cadre d'accueil d'un nouvel associé, le contrat prévoit une nouvelle organisation de l'exploitation d'accueil, ainsi qu'un échéancier qui définit la montée en puissance du candidat dans l'implication dans le travail, mais aussi dans les décisions à prendre en termes de voix délibératives.

Les modalités sociales, fiscales, et sanitaires
Un statut social « d'associé à l'essai » est donc indispensable pour pouvoir envisager un tel projet, c'est pourquoi le contrat prévoit une rémunération, qu'elle soit fixe basée sur un salaire, ou basée sur le résultat. Cette rémunération doit bénéficier de réduction de charges sociales pour garder une liberté d'action financière. L'accord des pouvoirs publics est nécessaire, car il ne faut pas que ce droit à l'essai soit considéré comme une société, en effet, ce n'en est pas (encore) une. Dans le cas d'une société de fait, il faudrait compter avec la perte de certains droits aux aides, à la Pac, mais aussi la perte du statut Micro-BA pour les GAEC déjà constitués. Avec ce dispositif, les exploitants déjà en activité conserveront donc la totalité de leur statut fiscal et l'accès aux aides qui leur sont accordées. Il sera également nécessaire de modifier le code rural, pour que soient autorisées les mises à disposition du foncier en fermage entre les participants. Il n'est pas possible de passer sous silence le problème des rassemblements de troupeaux, car les aspects sanitaires devront être traités avec le bénéfice d'une tolérance, même si le regroupement de troupeaux est peu fréquent à cause de la taille des bâtiments ou des salles de traite, une simple analyse de sang permettrait de le faire, comme ce qui existe déjà pour les alpages.

Ainsi, les personnes désirant participer à tel projet en vue d'association, bénéficient d'un environnement sécurisé en plus d'un accompagnement technique et relationnel pour travailler en conditions réelles, alors que la fin de l'expérience peut être envisagée sereinement, sans aucun inconvénient d'ordre fiscal, social ou encore financier. Une réunion publique est prévue en Corrèze à l'automne 2022, et pour tout renseignement, si vous êtes tenté par un tel projet, vous pouvez contacter GAEC & Société au 01 53 89 12 20

Entretien avec Françoise Broussouloux, agricultrice en Corrèze à Peyrelevade et membre de Gaec et Société

Où en sommes-nous avec le test du droit à l'essai ?
Ça avance, nous attendons une décision finale pour la fin 2022, donc ça se précise. C'est très important que nous puissions proposer plus largement ce dispositif, notamment pour le renouvellement des générations d'agriculteurs.

Qu'est ce que cela va changer ?
Un jeune agriculteur aujourd'hui, n'a pas les moyens de s'installer. Il faut emprunter des sommes énormes, et le droit à l'essai lui permet d'intégrer un Gaec avec sa seule force de travail, mais surtout avec son cerveau. En effet, la jeune génération maîtrise les outils numériques, les nouvelles façons de vendre des produits, et peut ainsi participer à augmenter les bénéfices de l'exploitation.

Ce droit à l'essai est aussi un droit à l'échec, et après ?
L'intérêt c'est que rien n'est perdu après le droit à l'essai, si ça ne se concrétise pas par une société ou un Gaec. Mais surtout, si ça ne marche pas avec un Gaec, on peut tout à fait repartir sur un nouvel essai, avec un autre éventuel associé. Donc la liberté est très grande.

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